La question est posée à Stéphane CASSE, Expert-Comptable associé au cabinet EXICA de Toulouse

R.C.(REACTIV Consulting) : Je rencontre un grand nombre d’entrepreneurs qui ont opté pour un statut sans véritablement avoir réfléchi aux conséquences de leur choix. Ou d’autres qui veulent créer leur entreprise et qui se pose la question du statut. Pouvez-vous nous éclairer sur le sujet ?

S.C. ( Stéphane CASSE) : D’abord il n’y a pas de recettes miracles dans le choix d’un statut de l’entreprise qui va dépendre de plusieurs facteurs comme l’âge du dirigeant, de l’activité et de son volume, d’une stratégie à court, moyen ou long terme… Ce qui est sûr c’est que ce choix aura des conséquences pour le dirigeant et son entreprise.

R.C. : Pouvons-nous prendre quelques thèmes pour y voir plus clair ?

S.C. : En premier, essayons de définir les deux principes de l’entreprise individuelle et de la société.

Une entreprise individuelle, également appelée exercice en nom propre est la forme juridique le plus souvent retenue par les créateurs d’entreprise qui envisage d’exercer seuls leurs activités. Dans ce cas, revenu du dirigeant et résultat de l’entreprise se confondent. De ce fait, l’intégralité du résultat de l’entreprise est imposée à l’impôt sur le revenu et soumis à charges sociales. Cette situation peut être pénalisante dans le cas où l’on souhaite conforter les capitaux propres de l’entreprise. 

Dans le cas d’une société (SARL OU SAS), il y aura une séparation entre la personne morale et le dirigeant. Chacun aura son propre patrimoine, sa propre fiscalité, …

R.C. : Est-ce que cela change le mode de gestion de l’entreprise ?

S.C. : La gestion d’une entreprise reste la même mais il est important de dire qu’il faudra apporter une grande rigueur dans le cas de l’entreprise individuelle et être un « parfait » gestionnaire pour bien séparer l’activité professionnelle de l’activité personnelle. En effet, la confusion de patrimoine inhérente à l’entreprise individuelle apporte une très grande souplesse dans la gestion qui faute d’une grande rigueur personnelle du dirigeant peut s’avérer dangereuse. A contrario, dans le cadre d’une société, la gestion est plus encadrée et rigide du fait de la séparation des patrimoines et demande à se familiariser avec une certaine logique comptable et fiscale. Cette rigidité peut s’avérer être un garde-fou précieux pour la pérennité de l’entreprise.

R.C. : Et sur le plan fiscal ?

S.C. : Dans le cas de l’entreprise individuelle comme abordé rapidement plus haut le calcul de l’impôt est basé sur le résultat de l’entreprise. Le revenu de l’entrepreneur individuel correspond au résultat de l’entreprise. Là où il faudra être très vigilent, c’est dans l’anticipation de la régularisation d’impôt sur le revenu que cela peut occasionner. Prenons l’exemple, d’une entreprise individuelle qui dégage un résultat de 50000€ et où le dirigeant, dans le but de conforter la trésorerie de son entreprise, n’a prélève que 24000€ au titre de sa rémunération. Dans ce cas, alors même que les prélèvements ne sont que de 24000€, l’impôt sur le revenu sera calculé sur la base de 50000€.

Dans le cas de la société, celle-ci paiera ses impôts sur le résultat (s’il y en a) avec l’I.S.et le chef d’entreprise ne déclarera que le montant de ses prélèvements. Dans ce cas, il y a péréquation entre les revenus et l’impôt du dirigeant.

R.C. : Quels sont les impacts sur la protection sociale ?

S.C. : Sur le plan social il y a 2 points fondamentaux à retenir.

D’une part, entre société et entreprise individuelle, la différance décrite sur le plan fiscal, est identique sur le plan social. Dans le cadre de L’EI, la base de calcul des charges sociales est le résultat de l’entreprise et non pas les prélèvements de l’exploitant. Dans le cadre d’une société seule la rémunération du dirigeant est soumise aux charges sociales. Ainsi, la part de résultat laissée en réserves pour conforter les capitaux propres de l’entreprise ne seront pas soumises aux charges sociales et sera donc optimisée.

D’autre part, il y a 2 statuts possibles : celui de travailleur non salarié (TNS) ou celui du régime général. Un entrepreneur individuel ou un gérant majoritaire de SARL ont le statut de TNS. En revanche un dirigeant de SAS est couvert par le régime général comme un salarié « classique ».

Pour avoir le même niveau de prestation dans le cas du statut indépendant TNS il faudra le compléter avec une assurance facultative pour être au même niveau que le régime général.

Sur le fond les couts sont presque équivalents et ce qui va changer c’est que le régime général semble plus fluide que le régime des indépendants.

Mais encore une fois le fond du problème n’est pas vraiment là, c’est ce que je disais au début il faut être plus attentif et bon gestionnaire dans le cas du statut indépendant qui ne présente pas les mêmes obligations que le régime général.

R.C. : Quels sont les impacts sur la protection du patrimoine ?

S.C. : Dans le cas de l’entreprise individuelle le patrimoine personnel de l’entrepreneur est confondu avec celui de l’entreprise et par conséquent les dettes aussi.

Ce qui n’est pas le cas dans le statut de la société ou celle-ci a son propre patrimoine.

Dans le cas d’une défaillance d’entreprise, l’écran juridique de la société peut s’évérer être un outil salvateur pour le dirigeant.

R.C. : Il semble en vous écoutant que le modèle à privilégier serait le statut de l’entreprise en S.A.R.L. ou S.A.S au détriment de l’entreprise individuelle ?

S.C. : Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! D’abord c’est le client qui au final choisi son statut. 

Mais mon rôle d’expert-comptable et mon expérience me permet, en fonction des spécificités et des objectifs de l’entrepreneur, de mettre en avant certaines contraintes et de donner le plus grand nombre d’éléments qui permettra de faire le bon choix.

On ne conseillera pas de la même façon un jeune entrepreneur de 25 ans sans charge familiale, une personne d’âge plus mûr avec des enfants à charge ou encore une personne en fin de carrière professionnelle avec un patrimoine privé déjà constitué.

Protection sociale, fiscalité, appétence pour la gestion, désir de croissance, désir de s’associer, nécessité d’investissements, de l’embauche de salariés, d’un stock important sont autant de paramètres à combiner en fonction de chaque client pour trouver la structure juridique la plus adapter à ses objectifs.

Il faudra aussi prendre en compte que rien n’interdit de commencer dans un statut d’indépendant et de modifier celui-ci en société S.A.S. mais tout changement de statut juridique engendre des frais non négligeables comme les honoraires juridiques ou encore l’intervention d’un commissaire à la transformation

Mieux vaut avoir une réflexion en amont pour adapter au mieux la structure juridique à ses objectifs.

R.C. : Pour aller plus loin sur ce sujet capital il faudra avoir recours à un professionnel qui pourra apporter sa vision globale et aidera à mettre en place les étapes pour construire une véritable stratégie même si cela semble terriblement compliqué d’avoir une vision à long terme.Car pour l’entrepreneur gérer son entreprise c’est prévoir